J’ai livré dans ces pages un avis très personnel sur la grâce présidentielle de Jacqueline Sauvage à laquelle je n’étais pas favorable, grâce qui était encore, au moment où j’écrivais ces lignes, une éventualité.
Cet avis, pour l’essentiel, s’articulait sur des éléments qui me paraissaient objectifs :
A ces éléments sur l’affaire elle-même, j’ai ajouté des éléments contextuels dont la concomitance me semblait importante :
Sans reprendre ici le contenu de l’article, mon argumentaire reposait sur le fait que :
François Hollande a, depuis, accordé une grâce partielle à Jacqueline Sauvage. Dont acte.
Je tiens à affirmer ici que cette décision ne me déçoit aucunement. Je souhaite par conséquent à Jacqueline Sauvage de pouvoir rapidement profiter de cette demande de libération anticipée à laquelle cette grâce partielle lui donne droit et d’enfin pouvoir tourner cette page dramatique de sa vie.
La rédaction de cet article avait pour principal objectif d’initier un dialogue avec nos lecteurs. C’est l’ambition globale de ce site que de permettre à chacun d’exprimer ses convictions. Notre credo est que, si chacun exprime son opinion librement, peut-être parviendrons-nous, au bout du compte, à obtenir par touches successives quelque chose décrivant, même imparfaitement, la réalité.
Beaucoup de personnes se sont prêtées au jeu. Il m’a été donné à lire de très nombreux arguments que je n’avais pas moi-même développés et avec lesquels je suis entièrement d’accord (Laurence, Eric, Nadine, Alain, et beaucoup d’autres). Arguments allant aussi bien dans le sens d’un soutien à Jacqueline Sauvage que dans le sens de ce que j’avais moi-même proposé.
Et puis il y a eu cet OVNI et d’autres tout aussi semblables :
De tous les arguments qu’il m’a été donné de lire tout au long de ce week-end et des centaines de réactions suscitées, celui-ci m’a vraiment fait l’effet d’une gifle. Il y a eu beaucoup d’insultes, de critiques déplacées, mais rien ne m’a été plus violent que ce crachat haineux de la part de certaines femmes que, en tant que représentant de la société patriarcale, puisque mâle, je n’étais pas légitime pour m’exprimer sur le sujet de la violence faite aux femmes. Comme si les hommes, parce que hommes, étaient collectivement responsables du sort de toutes les femmes.
Et hop, encore un “expert” sur le traitement judiciare accordé aux victimes #violencesconjugales #JacquelineSauvage https://t.co/LK8EsUyfDW
— Stephanie Lamy (@WCM_JustSocial) 31 Janvier 2016
Mon erreur sans doute, fut une erreur d’appréciation. Obnubilé par le fait que cette femme avait commis un crime de sang-froid pour échapper à une situation désespérée, j’avais laissé de côté le fait que celle-ci était devenue la nouvelle icône du combat contre les violences faites aux femmes dans nos sociétés occidentales. Mea culpa.
Lire mon papier dans un tel état d’esprit c’est, à mon sens, voir le mal partout. Mais il est vrai que des pans entiers de notre société restent aujourd’hui encore marqués par notre passé “patriarcal”. Nos ministres sont principalement des hommes, de même que nos parlementaires. Dans les entreprises, la plupart des décideurs sont des hommes et, à compétences et responsabilités égales, les femmes sont souvent moins bien rémunérées (de l’ordre de 20% dans l’entreprise dans laquelle je travaillais encore récemment). Nombre de mères célibataires sont “exploitées” par des entreprises dans lesquelles elles effectuent des temps partiels qui les placent dans des situations de dépendance. Et la liste est, effectivement, longue. Mais telle n’était pas mon ambition quand j’ai rédigé ce papier.
Je tiens cependant à dire à ces femmes qu’elles se trompent. D’une part en faisant des hommes les seuls coupables de la violence. D’autre part en excluant les hommes de toute solution possible.
Pour ce qui est des violences conjugales, qui est le sujet qui a pris le dessus dans l’affaire Jacqueline Sauvage, il a été montré que, contrairement à de nombreuses idées reçues, la violence n’est pas l’apanage des hommes. Cette violence, qui peut prendre plusieurs formes autres que la violence physique (dénigrement, insultes, pressions psychologiques, etc.), est relativement bien partagée entre les hommes et les femmes au sein d’un couple. En revanche, quand celle-ci prend une tournure plus “physique”, elle tourne effectivement à l’avantage des hommes.
Les études quantitatives (essentiellement canadiennes) sur ces aspects de la violence au sein du couple sont relativement récentes parce que jusque tardivement, la violence des hommes vis-à-vis de leur compagne était un présupposé jamais remis en question. Quand des philosophes comme Élisabeth Badinter ont interrogé celles et ceux qui affirmaient que la violence était un fait essentiellement masculin, il est ressorti que cette vérité était tellement évidente que personne n’avait pensé jusqu’alors à la mesurer.
Par la suite, il a été effectivement démontré que les femmes étaient également capables de violences (y compris physiques) au même titre que les hommes, notamment sur les enfants ou les personnes âgées dont elles avaient la charge. Même au sein de couples lesbiens, la violence conjugale existe à un niveau équivalent à ce qui existe chez les couples hétéro-sexuels.
La conclusion d’Élisabeth Badinter mérite qu’on y réfléchisse :
[…] il ressort qu’on ne devrait pas parler de « violence de genre », mais de « droit du plus fort ». Un seul crime est indiscutablement plus propre aux hommes qu’aux femmes, c’est le viol, aujourd’hui puni en France aussi sévèrement que le meurtre. Reste qu’hommes et femmes, lorsqu’ils sont en position de domination, peuvent déraper dans la violence.
Par-dessus tout, si vous pensez que dans un monde constitué pour moitié de femmes et pour moitié d’hommes vous allez pouvoir résoudre le problème de la violence faite aux femmes sans les hommes, vous commettez à votre tour une erreur d’appréciation.
En effet, vous semblez oublier que ces femmes qui subissent la violence de leurs maris sont également des mères, NOS mères. Nous sommes nombreux à connaître parfaitement ces situations pour les avoir vécues également en tant que fils, et tous, fort heureusement, ne reproduisent pas ce qu’ils ont vécu. Ces hommes-là sont, dans ce combat, des alliés de poids. Aussi, les condamnations pour “illégitimité” proférées par des femmes à mon encontre sont-elles largement déplacées et tout autant illégitimes si leur prétendue légitimité se base uniquement sur leur appartenance à la gent féminine.
La posture ultra-féministe qui consiste à opposer les hommes aux femmes est tout a fait contre-productive et n’a strictement aucun sens. La “victimisation” dans laquelle se drapent ces femmes, étayée par des chiffres parcellaires mettant l’accent sur les violences physiques (3 fois plus nombreuses à l’encontre des femmes, c’est un fait), dont les viols, consiste simplement à masquer une partie de la réalité qui pourrait mettre à mal l’idéal féministe (on pourrait aussi parler d’idéologie).
Le féminisme – militant – a certainement été une très bonne chose à une époque où la société était effectivement verrouillée par les hommes. De nombreuses femmes ont mené des combats nécessaires pour le droit de vote ou encore ceux à l’avortement ou à l’accouchement sans douleurs.
Mais quand on considère les très nombreux écrits sur ce qu’est devenue la société québécoise de nos jours après plusieurs décennies d’ultra-féminisme, on voit bien que ce que les ultra-féministes nous proposent n’est pas non plus un horizon enviable.
Pour tout ce qu’il reste à accomplir dans le sens d’une véritable égalité hommes-femmes comme réponse à la violence faite aux femmes globalement, les hommes ne peuvent pas être évacués. Et je ne vois pas en quoi des aboiements de chiennes de garde pourraient représenter une quelconque incitation dans ce sens, si ce n’est à se braquer en retour.
Maintenant que François Hollande a, conformément au droit que lui octroie l’article 17 de notre Constitution, accordé une grâce partielle à Jacqueline Sauvage, qu’avons-nous résolu ?
La mobilisation populaire a permis d’atténuer la peine et les souffrances de cette femme et de ses filles. C’est une bonne chose pour elles et je ne reviendrai pas dessus.
Au passage, François Hollande va faire un peu de récup’ sur le vote féminin en vue des élections de 2017.
Mais qu’en est-il de cette longue chaîne de dysfonctionnements, à tous les étages de l’État, qui ont contribué, quelque part, à faire de Jacqueline Sauvage une meurtrière ?
Plaintes déposées – rien.
Dossiers médicaux – rien.
Services sociaux – rien.
Voisinage – rien.
Traces de coups repérées sur les enfants durant leur scolarité – rien.
Quels moyens sont mis en place pour venir en aide aux 200.000 femmes qui, chaque année, sont victimes des mêmes atrocités ?
Est-ce que François Hollande a promis quoi que ce soit à ce sujet ?
Finalement, cette grâce est une bonne chose. En s’emparant de ce sujet, François Hollande a ouvert une boîte de Pandore dont il reste à espérer que la mobilisation populaire va l’empêcher de la refermer trop vite.
Peut-être au travers d’une mesure n°XX pour les prochaines présidentielles ?
Wake up.
Lovegiver